SWIFT gpi et SEPA Instant payment : quels bénéfices pour les entreprises ?
Les processus de paiements connaissent aujourd’hui d’importantes évolutions et de nouveaux outils apparaissent, à l’image du gpi de SWIFT et du SEPA instant Payment. Ces deux innovations répondent aux besoins de rapidité, de transparence et de traçabilité des paiements exprimés par les entreprises. Voyons ce que ces nouveautés peuvent leur apporter…
Trois experts du domaine nous éclairent sur ce sujet : Christian Gnanou de Société Générale, Sébastien de Gasquet de SWIFT et Thierry Cohen d’Exalog (logiciels de paiements et de trésorerie) présentent les défis auxquels font face le SEPA Instant Payment et le gpi de SWIFT.
L’Instant Payment SEPA, une initiative européenne
Le SEPA Instant Payment, c’est un paiement en euros effectué et crédité en moins de 10 secondes à l’intérieur de la zone SEPA (34 pays membres). Les fonds sont immédiatement réutilisables dès réception de la confirmation de paiement.
Déployé avec les standards de sécurité les plus élevés, le SEPA Instant Payment est irrévocable. Ce système a été initié en 2015 par les instances de paiement Européennes, qui préconisent un plafond par transactions de 100 000 euros), mais laissent la possibilité aux parties prenantes de faire évoluer ce montant, voire de le supprimer.
Le concept de paiement instantané n’est pas nouveau : il existe aujourd’hui pas moins de 40 systèmes nationaux de paiement en temps réel dans le monde, dont 10 en Europe. « L’instantanéité devient le moteur de nos comportements. Tous les acteurs veulent aller vite et plus facilement dans leur quotidien et cela s’applique aussi aux paiements », déclare à ce sujet Christian Gnanou, Directeur des Offres de Paiement à la Société Générale.
Le succès rencontré par les systèmes d’Instant Payment nationaux les plus avancés (Suède, Danemark et Royaume-Uni) confirme le potentiel d’une offre européenne, sur des marchés P2P dans un premier temps, puis B2B et C2B par la suite.
« Le SEPA Instant Payment vient compléter la gamme existante des moyens de paiements, et pourrait être une alternative aux espèces, au chèque et potentiellement à la CB dans certains cas », déclare Thierry Cohen, Directeur Commercial d’Exalog.
Comparé à cette dernière, il présente l’avantage de ne pas être dépendant des nombreux intermédiaires qui interviennent sur la chaîne de valeur, tels les géants des cartes bancaires Visa ou Mastercard. Alors que le chèque est un moyen de paiement ancien, moins sécurisé et coûteux, les avantages d’une solution de substitution sont évidents.
Les banques ne sont pas obligées de proposer le service SEPA Instant Payment à leurs clients, mais nombreuses sont celles qui le font déjà ou se sont engagées à le faire. C’est le cas en France, avec le groupe BPCE, dont l’offre est disponible dans l’Hexagone depuis juillet 2018, suivi dans la foulée par le Crédit Mutuel Arkéa, puis par BNP Paribas et Société Générale qui prévoient un lancement en novembre 2018.
Il en va de même pour les Prestataires de Services de Paiement (PSP) au sens large. Aujourd’hui, 25 % des PSP européens ont adhéré à l’Instant Payment, et ce taux pourrait atteindre les 100 % d’ici la fin du 1er semestre 2019. « L’Instant Payment est un projet qui doit embarquer la majorité des PSP pour que le parcours client soit simple et fluide », précise Thierry Cohen (Exalog).
« La qualité et la simplicité du parcours client sera en effet un élément essentiel à l’adoption de l’Instant Payment », ajoute Christian Gnanou (Société Générale), « pour que les usages évoluent, il faut que l’expérience client soit à la hauteur des attentes du marché, et cela dépendra notamment du nombre de prestataires de paiements qui adhéreront au projet. Lors de la saisie d’un virement instantané, si la banque du bénéficiaire n’est pas capable de traiter l’Instant Payment le client sera redirigé vers un SCT classique, ce qui n’est vraiment pas idéal en termes d’expérience utilisateur ! ».
La zone SEPA semble avoir trouvé en l’Instant Payment la solution idéale pour fluidifier et faciliter les paiements entre ses pays membres. Mais qu’en est-il au-delà de ses frontières…
* Aujourd’hui, deux services de messagerie existent pour le paiement instantané : TIPS (de la Banque Centrale Européenne) et RT1 (créé par EBA Clearing).
SWIFT gpi, une offre tout terrain
SWIFT gpi, pour global payment innovation, est un service proposé par SWIFT pour réaliser des paiements internationaux plus rapidement et disposer d’une vision en temps réel de leur statut, de l’envoi jusqu’à la réception des fonds. Elle permet de suivre avec précision le paiement, de savoir à quel moment le bénéficiaire a été crédité et surtout de connaître en détail les frais qui ont été prélevés par les banques intermédiaires.
Pour Sébastien de Gasquet, Senior Account Manager chez SWIFT, les notions de rapidité, traçabilité et transparence sont au cœur de la réflexion de la coopérative bancaire :
« Le client a des contraintes de temps et réclame des informations sur les paiements qu’il effectue. Avec SWIFT gpi, nous faisons en sorte que les paiements arrivent plus rapidement, qu’ils soient traçables et que le client sache clairement quels frais ont été appliqués et par qui. Les informations transmises accompagnent le paiement de bout en bout. »
Lancé en janvier 2017, le service SWIFT gpi est toujours en phase pilote, avec pour objectif de faire adhérer le plus grand nombre de banques. Pour le moment, 250 établissements bancaires couvrant 200 pays dans le monde, se sont engagés à mettre en place le SWIFT gpi. Cela représenterait plus de 80 % des flux SWIFT transfrontaliers. Parmi ces banques, 72 sont déjà opérationnelles, dont 4 en France.
Comment cette solution fonctionne-t-elle ? Le fichier est envoyé à la banque par l’initiateur du paiement, peu importe son format (XML, MT101, et même CFONB). Après réception, l’établissement bancaire, sous réserve d’adhésion au gpi, ajoute un tracker à ce paiement, appelé UETR (Unique End-to-end Transaction Reference). C’est ce dernier qui va permettre de suivre le parcours du paiement à travers les différentes banques et de récupérer les informations.
Pour le moment, seules les banques ont accès aux informations relatives aux paiements transmises par le tracker gpi. Elles peuvent les consulter sur une interface SWIFT dédiée, et transmettre à la demande ces données à leurs clients.
À l’heure actuelle, 14 banques communiquent ces informations à leurs clients via leurs portails web. À terme, les logiciels de gestion pourront intégrer ces informations de suivi et proposer aux entreprises un accès direct à ces données. Sébastien de Gasquet confirme : « Nous travaillons d’ores et déjà avec les corporates impliqués dans le projet pilote, ainsi qu’avec les éditeurs d’ERP et de TMS, pour leur permettre de réceptionner et d’intégrer directement les informations relatives aux paiements gpi. »
Aujourd’hui, 50 % des paiements SWIFT gpi sont crédités en 30 minutes, 100 % en moins de 24 heures, contre 3 à 5 jours pour un paiement international standard.
Le déploiement de SWIFT gpi franchira un nouveau cap en novembre 2018. Toutes les banques connectées au réseau devront, qu’elles aient adhéré ou non au gpi, transmettre le tracker de suivi UETR. D’autres évolutions sont également envisagées, comme un service de ‘stop and recall’ qui permettra de suspendre instantanément un paiement en cas de fraude ou d’erreur. Pour Sébastien de Gasquet,« L’objectif est que gpi devienne un standard, et qu’à terme chaque banque connectée à SWIFT transporte et donne accès aux informations sur les paiements gpi, confirme la réception des fonds et communique ses frais ».
Les entreprises, gagnantes ?
SWIFT gpi et Instant Payment présentent des avantages certains pour les entreprises.
Tout d’abord, nous avons vu que le SEPA Instant Payment peut se substituer au paiement par carte bancaire ou par chèque. Pour les entreprises travaillant en BtoC, c’est une opportunité d’améliorer leurs encaissements : réduction des délais de traitement pour les chèques, sécurisation du paiement, suppression des frais intermédiaires pour les CB, etc.
Ensuite, l’Instant Payment permet l’envoi et la réception de virements instantanés ‘24/7/365’, contre 24 à 48h en temps normal. L’effet positif sur la gestion de trésorerie des entreprises est facile à imaginer, avec notamment la suppression des ‘cut off’, la gestion des flux en temps réel ou encore le pilotage de la trésorerie au jour le jour. Les retards de règlement tout comme les risques d’impayés peuvent diminuer, et les livraisons adossées au règlement seront accélérées.
Enfin, en tant que système pan-européen, on peut également envisager que l’Instant Payment simplifie et donc développe les échanges entre les pays de la zone SEPA.
Cependant, le plafond de 100 000 € par transaction Instant Payment pourrait représenter un frein pour les corporates, mais cela devrait rapidement évoluer, puisque certains pays de la zone sont déjà en train d’envisager de déverrouiller ce montant. Pour l’éditeur Exalog, l’Instant Payment B2B est encore en phase de développement mais son intérêt est avéré, comme l’explique Thierry Cohen, son Directeur Commercial :
« C’est un moyen de paiement pour les entreprises qu’il faut garder dans son radar car il montera forcément en puissance. Quand les plafonds de l’Instant Payment évolueront, les entreprises l’utiliseront beaucoup plus. Pour le moment il est plutôt adapté au B2C, mais cela va changer ».
Aujourd’hui, l’offre naissante d’Instant Payment des prestataires de paiement se structure. Dès que le marché sera un peu plus mature, les entreprises devraient en tirer tous les avantages, en l’utilisant pour le règlement de leurs salaires, de leurs fournisseurs, etc.
Du côté de SWIFT gpi, les avantages d’un paiement rapide présentés précédemment restent vrais, notamment l’optimisation de la gestion de la trésorerie. Les entreprises bénéficieront aussi d’une vue en temps réel du statut de leurs transactions. De cette manière, les trésoriers sauront avec exactitude quand leurs fournisseurs reçoivent leurs paiements, et l’excuse d’un retard de règlement ne pourra plus être avancée pour repousser l’envoi de marchandises, ce qui améliorera les délais de livraison.
Rappelons également que ce système donne de la visibilité sur les commissions appliquées par chaque banque intermédiaire. Grâce à ces informations, une entreprise qui souhaiterait optimiser ses frais pourra demander à sa banque de ne plus travailler avec tel ou tel autre partenaire bancaire jugé trop ‘gourmand’. Cette transparence s’applique également aux délais de traitement qui seront désormais connus de tous, à chaque étape du paiement, ce qui incitera les parties impliquées à réduire leurs temps de conservation des fonds.
Enfin, grâce à SWIFT gpi et aux informations transmises par le tracker, les trésoriers n’auront plus à contacter leur banque pour savoir où en sont leurs paiements. Cela représentera un gain de temps et une baisse des coûts de suivi et d’investigation pour les entreprises comme pour les partenaires bancaires.
Cependant les entreprises devront attendre encore un peu pour profiter de tous les avantages de SWIFT gpi. En effet, pour le moment les informations sur les paiements ne sont consultables que sur les portails de certaines banques, et l’émission de flux gpi de bout en bout avec intégration des informations du tracker dans les ERP et TMS est encore en phase pilote. Enfin, SWIFT doit convaincre davantage de banques d’adhérer au projet, notamment en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie du Sud-Est, où la couverture est encore embryonnaire. « Les pays dits ‘exotiques’ compliquent la vie des trésoriers pour leurs paiements cross-border. Dans ces pays, l’intérêt de gpi est démultiplié ! », nous explique Thierry Cohen d’Exalog.
En définitive, les services SWIFT gpi et Instant Payment présentent tous deux des avantages indéniables et non négligeables, pour les paiements en Europe et à l’international. Nous verrons dans les prochains mois la place que le marché accordera à ces deux innovations. Affaire à suivre…